Workshop édition clandestine LISAA Rennes feat. Bouclard

En avril dernier, nous avons mené un workshop avec des étudiants de LISAA Rennes. Le point de départ : les étudiants (en groupes de quatre) devaient rééditer clandestinement Le Silence de la mer de Vercors (publié en France en 1942 par Les Éditions de Minuit). En s’inspirant des samizdats soviétiques (textes dissidents souvent tapés à la machine et transmis de manière clandestine) et des publications de la résistance, les étudiants.es devaient trouver des solutions originales pour éditer le texte… sans éveiller les soupçons.

En une semaine, il leur a donc fallu créer une maison d’édition (nom, logo, identité) et produire un livre en respectant les contraintes de la clandestinité. Charge à nous de les accompagner et de leur partager notre expérience Bouclard.

Éditions 40 / Sédition 40

Le principe de dissimulation de Séditions 40 est la stéganographie : le fait de rendre inaperçu un message dans un autre. Leur idée : créer une maison d’édition écran : Édition 40 qui est un magazine sur le graphisme et la typographie. Le texte Le Silence de la Mer est caché/morcelé dans trois numéros de leur revue grâce à différents moyens : filtre rouge Snapchat (rendant lisible un texte flou), intégration du texte du roman dans des images (parchemins, photos…), zoom sur certains textes minuscules avec un objectif macro que l’on peut coupler à un téléphone…

Les étudiantes ont reproduit le bureau d’une graphiste avec différents magazines dont Édition 40, qu’un de leur enseignant n’ayant pas assisté à la semaine de workshop a pu découvrir.
Divers modes de dissimulation.
Ici, une partie du texte du Silence de la Mer est intégré dans cet photo d’écran d’ordinateur.

Nous avons aussi demandé aux étudiant-e-s de penser à des supports digitaux. Dans le cas des Éditions 40, lorsque l’on scanne un QR Code en quatrième de couverture on arrive sur une page “Erreur 404” mais lorsqu’on fait défiler la page, on découvre la structure qui se cache derrière ce magazine. Un lien vers des prétendues archives nous donne plus d’informations.

Sous / soum

Le nom de cette maison vient de l’expression “en soum-soum”, soit : discrètement, en sous-marin, sous les radars. Ce groupe a décidé de crypter le texte en séparant les mots d’une même page sur trois calques différents qui peuvent se superposer pour faire apparaître le texte dans son ensemble.

Pour connaître l’ordre des pages, pas de folios (numéro de pages) mais des symboles bleus avec des lettres. Le nom de code “tagliatelles” transmis à l’oral permet d’ordonner les feuilles de calques. La couverture ce groupe est un compte Instagram qui donne des bonnes adresses et des idées de recettes de pâtes. Les images et messages des posts Instagram cachent certains indices à celles et ceux savant lire entre les lignes.

Nadir

Tout comme Sédition 40 ou Soum-soum, ce groupe a une couverture : Nadir, une marque de savon d’Alep, en apparence anodine, qui cache en réalité la maison d’édition clandestine du même nom. En astronomie, le mot nadir définit le point du ciel à la verticale de l’observateur, vers le bas (opposé à zénith). Ce choix fait donc référence aux Éditions de Minuit et à l’idée de cacher une information derrière un autre élément.

L’idée de ce groupe est de jouer sur le camouflage en fondant littéralement le texte dans son environnement. Les étudiants ont imprimé Le Silence de la Mer au format 8 x 5 cm, l’on emballé dans un sachet plastique pour le placer au cœur d’un savon qu’ils ont fabriqué eux-même la veille du rendu. Ainsi, l’objet est indétectable à l’œil nu. Il faut donc ouvrir le savon au couteau pour en extraire le texte, on peut ensuite le cacher dans le double fond de la boite du savon.

Merci à LISAA Rennes pour sa confiance et aux étudiants qui se sont réellement impliqués (et qui ont produit un grande quantité de travail) toujours, comme à l’accoutumé, dans un délai resserré et un niveau de stress élevé !

Workshop Édition ECV Nantes feat. Bouclard

En janvier dernier, nous avons mené un workshop avec des étudiants de l’ECV Nantes à la fois issus des Mastères Design et Digital. L’idée était de leur donner une semaine pour créer une maison d’édition (nom, logo, identité, ligne éditoriale) et produire trois livres appartenant à une même collection. Ligne, contraintes de coût, marché du livre… les étudiants devaient donc à la fois réfléchir au fond et à la forme. Charge à nous de les accompagner (en toute bienveillance) et de partager notre expérience Bouclard.

Premier jour : conférences et intro du workshop

Une semaine avant le début du workshop nous avions donné aux élèves plusieurs textes courts à lire (littérature américaine du 19e) :

Le dernier des Valerius (Henry James)
Une tranche de bifteck (Jack London)
Une nuit à l’hôtel de la Baleine (Herman Melville)
La chute de la maison Usher (Edgar Allan Poe)
La désobéissance civile (Henry david Thoreau)
Un pari de milliardaires (Mark Twain)
La sonnette de madame (Edith Wharton)

Puis dès le lundi matin nous rentrions dans le vif du sujet avec une conférence de Cyril Gay, traducteur, co-fondateur des éditions Marchialy (qui publie notamment Jack Adelstein). Direction artistique, achat de droits, diffusion, stratégie de développement et de communication… aucun sujet crucial du métier d’éditeur n’a été épargné.

S’en est suivi une conférence de Thierry (le directeur artistique chéri de Bouclard Éditions) qui a présenté aux étudiants de l’ECV, via moults slides (il aime les slides Thierry), le travail de DA, de création typographique sur mesure et de promotion du numéro 1 de notre revue. L’après-midi a débuté par un court rappel de Clément sur la chaîne du livre et ses acteurs (éditeur, diffuseur, libraire…), le droit d’auteur, la commercialisation, le prix du livre, l’ISBN…

Ce après quoi, les 24 étudiants (répartis en 3 groupes) ont choisi 3 textes parmi les 7 que nous leur avions proposés. À eux de définir leur maison d’édition (ton, genre, cible…) et justifier de leur choix de textes pour proposer une vraie cohérence d’ensemble. 

Deuxième jour : définition des maisons

Trois maisons d’édition ont émergé : 

Da Capo (définition de ce terme latin ici), maison imaginant un lien entre les textes du passé et le présent.
Homa (personne, ou individu en espéranto) où le point commun entre les textes se centrait autour de la richesse VS la pauvreté, la quête individuelle…
Sans césure se focalisant sur le lien continu entre textes du 19e et préoccupations contemporaines.

Troisième jour : développement de la DA

Division du travail = recherche d’efficacité. Certains travaillaient sur le logo, d’autres sur le principes des couvertures, sur l’exé intérieure ou sur la promotion de la maison d’édition (site, stratégie marketing, réseaux sociaux)…

Quatrième jour : finalisation

La fameuse charette. À seulement 24h du rendu final, il leur restait encore beaucoup de boulot : relecture des textes, application des règles d’ortho-typographie… Le souci du détail quoi ! De nombreux prototypes ont été réalisés dans un temps record (massicot mon meilleur ami) pour éprouver des concepts de mise en page ou de façonnage.

Cinquième et dernier jour : jury ! 

Entre collage, dernières impressions, il leur a fallu préparer leurs oraux puis défendre leurs projets devant un jury composé de Catherine Loget, directrice de l’ECV Nantes ; Héloïse Nguyen, chef de projet éditorial ; et de nous trois.

SANS CÉSURE

Une identité forte, avec un parti-pris assez minimaliste. Le titre de l’ouvrage court sur la couverture et la quatrième de couverture. Ce principe se retrouve sur les autres documents de communication comme les cartes de visite, invitations… L’intérieur du livre est composé en drapeau pour éviter les césures et des photos contemporaines font écho au sujet du texte.

DA CAPO

Le signe de la notation musicale Da Capo est formé par une ligne oblique qui sépare deux éléments en miroir l’un de l’autre. Ce groupe a développé ce principe visuel sur l’ensemble de leur communication (papier ou digital) afin d’évoquer ce lien entre passé et présent. Le couvertures affichent, d’un côté, des photos avec un traitement de gravures sombre et de l’autre des images plus “numériques” utilisant les codes contemporains (bitcoins, emojis, SMS)…

HOMA

L’approche d’Homa était plus graphique, plus “illustrative”. L’idée d’humain, d’humanité étant très présente dans leur travail, leurs illustrations apportait du “fait-main” dans leurs ouvrages.

***

Là c’est la photo finish (mais où est Clément ?) et tout le monde est content du travail accompli dans un timing serré serré. Merci à l’ECV pour sa confiance et aux étudiants qui se sont réellement impliqués (et qui ont produit un grande quantité de travail). Nous avons quelques idées pour la suite. Nous sommes convaincus qu’un travail sur design éditorial et une approche alliant forme et fond du livre est une vraie plus-value pour des étudiants qui seront les DA de demain.